Le camion autonome avec Waymo et Co.

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par Clémence Levieil, le 11/17/2020

10 min de lecture

Comment fonctionne un camion autonome?

Nous sommes habitués à voler dans des avions avec un pilote automatique et à monter dans un métro sans conducteur. Peu surprenant que les robots taxis s'annoncent et que les véhicules de transport de marchandise deviennent également automatiques.

Le fonctionnement d’un véhicule autonome est hautement digital. De nombreux capteurs redondants (les radars, lidars et sonars) scannent l’environnement, les objets et situations alentour en temps réel. Puis, les données sont converties dans une modélisation 3D et un mécanisme d’intelligence artificielle détermine les actions de pilotage et de navigation.

Six niveaux d’autonomie ont été définis par la SAE International. Le plus faible degré est 0 : la conduite assistée, par exemple avec un freinage automatique d'urgence. Le degré maximal 5 concerne une automatisation totale.

Le conducteur assure le pilotage pour les niveaux 0, 1 et 2 – même si les pieds ne sont pas sur les pédales et s’il ne tient pas le volant. Pour les niveaux 3, 4 et 5, le pilotage est réalisé principalement par la technologie, même si une personne est assise sur la place du conducteur.

SAE International réunit 128 000 ingénieurs et experts techniques dans le monde entier et opère des solutions de mobilité pour plusieurs domaines : aviation, véhicule utilitaire et véhicule commercial, défense.

Camion autonome “Waymo Via” de Alphabet Inc/ Google, Source: Waymo

Les enjeux réglementaires et politiques

Quant à la circulation routière, l’art. 8.1 de la Convention de Vienne de 1968 exige pour chaque véhicule un conducteur. Cette convention est signée par 36 pays et ratifiée par 84 pays. L’Espagne, les USA et la Chine ne l’ont pas signée. Depuis 2016, un amendement de cette convention autorise des technologies autonomes, si celles-ci peuvent être désactivées par le conducteur.

Les bienfaits attendus des véhicules semi-autonomes et autonomes sont nombreux.

Le premier but est une amélioration de la sécurité routière. En effet, 90% des accidents de la route sont causés par une erreur humaine. Une gestion plus efficace des trajets devra entraîner une amélioration du trafic routier. On s’attend également à une forte réduction des gaz à effet de serre et de CO2 grâce à la conduite automatisée.

Les bénéfices pour l’industrie automobile seront de 620 milliards d’EUR, et pour l’industrie électronique de 180 milliards d’EUR d’ici 2025, selon des estimations du Parlement de l’Union Européenne. L’UE élabore actuellement aussi des directives pour encadrer l’emploi de l’intelligence artificielle.

PC: Infographie sur la Conduite Autonome, Source: Parlement de l’UE

L’enjeu pour le gouvernement français est de faire de la France un pays compétitif dans ce domaine. Chargés d’une mission par le président Macron, les experts Patrick Pelata (ancien directeur général de Renault) et Xavier Mosquet (Boston Consulting Group) ont présenté un rapport spécial. Depuis 2019 la Loi d’Orientation des Mobilités prévoit le déploiement progressif des règles pour encadrer l’utilisation des véhicules autonomes.

Il convient aussi d’aborder les aspects critiques et les risques liés à cette évolution. L’impact sur l’emploi des conducteurs routiers est une question importante. Quant à la sécurité, des accidents peuvent survenir à cause des erreurs du logiciel. La protection des données personnelles et la cybercriminalité sont d’autres sujets qui nécessitent des stratégies politiques et réglementaires.

Les premiers poids lourds roulent déjà sans conducteur sur les routes californiennes

Faire rouler un camion autonome est plus complexe que bouger une voiture autonome. La masse plus élevée, le chemin de freinage plus long, ainsi que l’angle mort et les mouvements de la remorque sont des facteurs importants à considérer.

Waymo, une filiale de Alphabet Inc/ Google, travaille sur des véhicules autonomes depuis 2009.

La maxime de l'entreprise concernant son service Waymo One est la suivante :

Nous construisons le conducteur le plus expérimenté du monde.

En 2017, le PDG John Krafcik étend la technologie sur les camions, sous le nom “Waymo Via”. La société américaine a des partenariats avec des constructeurs automobiles de renom, comme Fiat Chrysler. Daimler Trucks a le projet de commercialiser son Freightliner Cascadia équipé avec Waymo aux Etats-Unis.

Plusieurs autres entreprises élaborent aussi des camions autonomes : TU Simple, Tesla, Otto, Embark, MAN, Scania, Volvo Trucks, Mercedes. Le Scania AXL et le Volvo Vera sont des camions autonomes avec un design innovateur, renonçant à la cabine du conducteur.

Des fournisseurs spécialisés apportent des composants, par exemple Mobileye, Delphi Automotive, Continental.

Les premiers tests avec des poids lourds autonomes sont réalisés sur des routes publiques aux Etats-Unis. A l’heure actuelle, un conducteur est toujours présent dans la cabine, afin de pouvoir intervenir dans une situation critique. Les tests démontrent que les camions sont déjà capables de réaliser un pilotage en autonomie dans des conditions réelles et complexes.

Embarquez dans la vidéo suivante dans un camion autonome de Embark. Vous ferez un trajet de 280 km de Los Angeles, California à Phoenix,Arizona.

Source: Embark YouTube Channel

Quel sera l’effet des camions nouvelle génération sur l’emploi des conducteurs routiers?

Vincent Gaide, expert du transport au sein du cabinet PWC France, estime dans un article des Echos en 2018, que des camions sans conducteurs vont opérer sur les routes françaises au plus tard en 2030.

En France, il y a 260 000 conducteurs du TRM, dont 210 000 pour des poids lourds, selon le ministère de la transition écologique et du transport. Leur métier changera de façon importante avec cette nouvelle technologie. Actuellement, on envisage souvent que les camions autonomes opéreront entre des hubs logistiques, mais que la livraison de dernier kilomètre (en anglais last-mile-delivery) dans des centres urbains sera effectuée par un conducteur humain. Il est aussi possible que les tâches d’un conducteur embarqué évoluent vers une surveillance de la performance du véhicule.

La Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR) reconnaît la réalité de l’arrivée des camions autonomes. Consciente de l’effet sur l’emploi des conducteurs, elle préconise des formations pour permettre aux conducteurs de continuer leur activité avec des nouvelles compétences.

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